martes, 9 de febrero de 2010

Entre el arte y la artería: entrevista fundamental con Marcel Detienne (2008)


Entrevista con Marcel Detienne.

Esta entrevista entre Marcel Detienne y Arnaud Villani fue publicada en la revista francesa de antropología cultural La Mètis, que dirigía por el aquel entonces Maryline Desbiolles (nº 9 « Les Noces », otoño 1992).

© : Marcel Detienne, Arnaud Villani et Maryline Desbiolles.


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Las bodas de la inteligencia y la astucia

"En esta entrevista se abordan las cuestiones de la inteligencia y la astucia, pero también de la arché: así, nos vemos retrotraídos al origen y a los principios, a lo que comienza y a lo que manda." (Maryline Desbiolles, noviembre de 2008).


Arnaud ViIlani : Pourrais-tu résumer brièvement l'évolution de ta recherche ?

De la pensée religieuse à la pensée philosophique

Marcel Detienne : Au départ ce qui m'intéressait le plus c'était le passage de la pensée religieuse à la pensée philosophique : comment ces discours de la rationalité grecque, et en particulier la philosophie elle-même sont-ils institués, dans quel contexte et par rapport à quoi ? C'était en même temps d'explorer toute une série de configurations où les éléments sont mêlés. D'autant plus que j'avais choisi les Pythagoriciens comme fil conducteur, et que leur style philosophique consiste à utiliser une part de l'imaginaire religieux et des modèles de cette pensée. Il est important que la pensée philosophique et ses commencements soient inscrits dans un ensemble où les puissances sont structurées et organisées, on voit l'effet de cette pratique dans le Prologue du Poème de Parménide. Ensuite, j'ai beaucoup fait de la mythologie « en soi ». C'était le moment où Dumézil et Lévi-Strauss surtout constituaient la mythologie en un vaste ensemble, avec ce que cela implique pour les mythes grecs. Par là je me suis mis à l'écart d'une manière très sociologique que Gernet et Vernant actualisaient, et où les mythes devaient délivrer une certaine lumière sur une préhistoire sociale que nous ne connaissons pas. Étant donné que la cité surgit brutalement, comme la philosophie, sans qu'on la voie venir. L'enquête cherchait alors des résidus institutionnels dans des récits qui venaient semble-t-il nécessairement avant la cité, alors qu'en fait ces récits voyagent avec la cité ou à côté d'elle. L'approche lévi-straussienne consistait plutôt à faire travailler les mythes dans leurs rapports, leurs combinaisons, et à analyser les codes ou niveaux de signification…

A. V. : En un sens moins historique donc ?

M. D. : Ou plus largement historique : pas seulement l'histoire d'une époque, d'un moment, mais l'ensemble de l'histoire. En tous cas, la mythologie apparaissait autonome ; elle était en soi une pensée dont on analysait les cheminements propres. Un peu plus tard, j'ai choisi de travailler avec les anthropologues, en abandonnant la Grèce ou du moins en tâchant d'en sortir, en tant qu'elle élabore et expérimente des modèles que l'on retrouve ailleurs. C'est plutôt dans les systèmes polythéistes que les Grecs sont premiers, parce qu'ils ont fabriqué des dieux tout à fait remarquables et efficaces, mais en même temps, dans le monde entier, se découvrait la richesse, l'invention dans la mise en forme de ces êtres et populations surnaturelles. C'est dans cette direction que je me dirige actuellement.

A. V. : Une influence de Marcel Mauss dans cette recherche ?

M. D. : Oui, et de plusieurs manières. C'est un contemporain de Gernet. Son objet d'étude, outre les Grecs, comprenait les Indiens, le monde romain, celtique, germanique. Pas à la manière de Dumézil, qui subissait les contraintes d'un monde indo-européen, d'un champ linguistique déterminé, d'un modèle tripartite, tandis que Mauss n'a jamais fabriqué de modèle mais a exploré des catégories de pensée symbolique. Né sociologue, il est devenu anthropologue. Pour finir, le « fait social total » m'a influencé en ce que je laisse ma recherche la plus ouverte possible. Le champ religieux est un champ très déterminé, mais en Grèce il faut parler plutôt de dieux, de mythes et de mythologie que de religion. Alors j'analyse comment les Grecs font aussi du « politique » avec cela, et les formes de complicité entre un espace défini comme politique, et autre chose légitimant ce politique, et faisant appel à des dieux, des puissances, du symbolique.

A. V. : Les Maîtres de Vérité, Les Savoirs de l'écriture, les Tracés de fondation semblent faire revenir un thème particulier : l'inaugural.

La Grèce est le pays des commencements

M. D. : Oui, la Grèce est le pays des commencement. Les Grecs réfléchissent sur l'archè au sens d'inaugurer, ils se pensent comme des gens qui ont commencé toute une série de choses. L'attention se porte très vite chez eux sur l'inventeur, dans un temps des hommes, séparé, mais en même temps voisin de celui des dieux, sans être oblitéré par le poids de ces dieux. D'où une subtile enquête sur les manières d'inventer, et l'invitation à poser les questions de l'initium à partir du champ grec. D'ailleurs là où l'inaugural n'est pas majeur, cela pose des problèmes, on essaie de le voiler, on construit un montage qui permet d'éviter d'en parler. Les Japonais sont très fermés à ce qui peut relever de l'inauguration ; pour eux la continuité prévaut, comme un fonds invariable sous des modifications inessentielles.

Les Grecs, avec un certain nombre de sociétés (mais pas tellement) ont pensé le transformable : comment on change, comment on peut vouloir et penser le changement, le faire et le façonner.

A. V. : D'où les débuts supposés de la philosophie ? Car si cette transposition du mythe babylonien dans la première philosophie grecque existe bien, traduisant Tiamat en Chaos, puis en Apeiron, la préoccupation constante d'une première fondation appelle ce Chaos premier, et ce qui en rompt la continuité ?

M. D. : À ceci près qu'entre Tiamat et Apeiron, il y a une grande distance, beaucoup d'eau a coulé. L'apeiron est une catégorie tout à fait abstraite, je ne sais pas si elle peut provenir d'un corps. Cette hypothèse de Cornford reprise par Vernant (le mythe babylonien, ses deux transcriptions chez Hésiode, le Chaos, puis l'apeiron des Milésiens) est une hypothèse qui montre combien les Grecs ont travaillé plutôt sur des modèles conceptuels que sur des images mythiques. L'apeiron est aussi un concept mathématique, et s'il n'y avait pas eu l'astronomie géométrique, je me demande si l'apeiron aurait eu cette place chez Anaximandre. Il y a d'autres hypothèses : celle d’Havelock par exemple, auteur d'un grand nombre de travaux, qui a mené pendant quarante ans une enquête sur la façon dont la Grèce découvre la philosophie. Son idée provient en partie de Mac Luhan. Ce ne serait pas du tout par le politique, ou à travers des modèles conceptuels intermédiaires entre des cosmogonies babyloniennes et des cosmogonies grecques, mais par l'écriture alphabétique, l'alphabétisme que tout se serait déclenché.

La découverte de l'alphabet et la mutation de la pensée

Voilà qui est mystérieux, parce que ce processus est incontrôlable, si ce n'est que des cognitivistes cherchent aujourd'hui à voir ce que le passage à l'alphabétisme entraîne comme mutation dans l'activité intellectuelle. Mais Havelock pensait la naissance de la philosophie dans l'écart entre Homère et Platon, et toute sa lecture est une mise en scène de cette longue genèse, l'époque présocratique n'étant que le balbutiement de penseurs un peu innocents, incapables de maîtriser l'instrument très puissant que serait un système philosophique.

A. V. : II est tout à fait vrai qu'on assiste chez Platon à une récurrence de l'alphabet comme métaphore de fondation : paradigme des lettres, orthographe de la vertu, « schème » de l'héautopraxie…

M. D. : Le livre récent de Gaudin, Platon et l'alphabet, a exploré toutes les possibilités. Le problème est que si la découverte de l'alphabétisme a eu un effet aussi étonnant que de produire la philosophie, on peut se demander pourquoi une si longue latence entre l'émergence de l'un et l'apparition de l'autre. De plus les premiers philosophes sont bien les présocratiques, qui restent chez Havelock des intermédiaires gênants, qu'il aimerait oublier.

A. V. : Une idée ne devient parfaitement claire qu'au moment où elIe a perdu de son efficience. La récurrence de l'alphabet chez Platon est peut-être le signe que sa réeIle influence est quasi morte.

M. D. : Voilà en tous cas une autre manière de penser l'origine de la philosophie, dont les Américains ont retenu une indication intéressante sur la manière dont le cerveau fonctionnerait. Havelock n'a pas eu beaucoup d'influence en France, tandis que, en Italie, c'est lui qui a attiré l'attention sur les formes d'oralité dispersées dans les œuvres de la littérature grecque, mises par écrit après avoir été des productions orales.

A. V. : Je sais que tu considères qu'il y a une forte influence de la publicité propre à l'écrit sur la possibilité et la naissance du politique.

M. D. : Oui, mais le politique a façonné également l'écriture en retour. Havelock minimise cet aspect, qui comporte le principe de publicité, et les « technologies de l'intellect » qui se constituent à part et autour de l'écriture. En soi je ne la crois pas du tout plus efficace qu'autre chose, on a fait des expériences dans des sociétés qui n'avaient pas accès à l'écriture mais seulement à des graphismes, des idéogrammes, et au bout de dix ou quinze ans, pour autant, la philosophie n'est pas née dans ces sociétés. S'il suffisait d'injecter de l'alphabétisme dans un corps social… II y a eu rencontre… Mais mesurer les effets précis que cet instrument a pu avoir indépendamment de ce que les Grecs en ont fait dans leurs pratiques me paraît impossible. Médecine, géométrie, philosophie sont des émergences interdépendantes.

A. V. : Un peu le problème de Benveniste sur l'origine de l'ontologie dans son rapport à la grammaire grecque, et au verbe être ?

M. D. : Voilà, parce qu'il y a des choses qui sont là. Le tout est d'en faire usage.

A. V. : Il faut bien fonder aussi des formes grammaticales comportant le double sens du verbe être, et donc penser ontologiquement.

M. D. : Le travail de réflexion sur le langage, et son rapport à la réalité, les grammairiens philosophes du Vle siècle s'y emploient, donc ce n'est pas donné, ç'aurait pu rester en friche.

A. V. : Dans cette recherche de la fondation et de l'inaugural, que faire de la tendance, disons foucaldienne-derridienne, de reculer l'origine ?

M. D. : On peut toujours penser qu'on n'atteint pas l'origine, mais lorsqu'on entre dans des discours de l'arché, qui pensent l'origine, il faut bien en prendre acte.

A. V. : Une décision d'universalité ?

M. D. : C'est en effet un choix de cette culture-là que de se penser première par rapport à d'autres. Mais effectivement, jusqu'où ? On ne peut jamais dire avec certitude où commence le commencement, l'origine se démultiplie.

A. V. : Cela pourrait vouloir dire qu'ou fond cette idée assez répandue à l'époque structuraliste, est une idée « naturaliste ». Dans la culture et dans le problème des limites de l'homme il y a nécessairement décision d'universalité, décision de fondation, et c'est ce qui fait fondation.

Un moment à saisir

M. D. : II doit y avoir en effet un moment décisif, Révolution française ou autre, sans quoi persiste le sentiment que tout est mêlé, que les cultures sont immobiles, ou avancent sans bouger, parce qu'il n'y a pas d'instance, de personnage, de moments où soudain…

A. V. : Un moment à saisir, un kairos ?

M. D. : …Un point dans le temps où cela se présente favorablement, on ignore combien d'essais ont eu lieu auparavant, mais cela se fait du côté du fortuné, par bond.

A. V. : Nous sommes donc dans la ruse. Et chaque fois que j'ai réfléchi sur elle, notamment à partir de ton ouvrage avec J.-P. Vernant sur la Mètis, j'ai été conduit sur des chemins qui mènent vers l'histoire. Premier chemin : la ruse et le récit. D'un point de vue narratologique, le rusé est comme une table rase, n'ayant ni pouvoir, ni savoir, mais possédant un vouloir, et il s'insère, avec peu de moyens, dans le temps et grâce au temps, pour se rendre maître de lieux qui lui échappent. Morphologie typique de conte. D'où peut-être la complicité de la ruse et des récits populaires, cristallisée dans des personnages de récits littéraires : Ulysse, Panurge, Simplicius, Till.

M. D. : Bien sûr, la ruse a besoin de se raconter, de raconter des histoires. Mètis pour commencer, qui se fait « conter des histoires » par Zeus ! Le personnage qui incarne idéalement la ruse sur le mode de la parole et du récit, c'est Hermès, dieu du langage, parole faite dieu… et homme, car en même temps il a toutes les formes de subtilité, de duplicité, de capacité de se métamorphoser, de transformer les choses, que le malin peut rêver d'avoir. Je pense à Hermès parce qu'il est devenu chez les Stoïciens le Logos, particulièrement le Logos intérieur, mais aussi parce que, dans certains récits, il vient dire que les mots et le langage sont nécessairement dans la duplicité, qu'il n'existe ni pour les dieux ni a fortiori pour les hommes de langage de la transparence, que par conséquent il faut toujours démêler cet écheveau compliqué, ou bien au contraire en jouer, c'est-à-dire l'utiliser au maximum de ses possibilités, à commencer par les joutes verbales, les rapports de séduction.

A. V. : Une histoire des hommes, des pratiques, des récits, en somme une « invention du quotidien ». Et justement l'un des textes qui m'a le plus intéressé parce qu'il est un des seuls à reprendre conceptuellement l'analyse de la constellation que vous avez fait resurgir de l'oubli, c'est L'Invention du quotidien de Michel de Certeau. On y trouve quelques pages lumineuses sur une structure de la ruse, du type de la contraction mémorielle qui, insérée au moment voulu, pourrait ensuite produire une extension remarquable des forces et des lieux.

Les lieux où l'on passe, supports de narration

M. D. : J'ai aussi beaucoup aimé ce livre de Michel de Certeau, et je l'ai repris ces derniers mois pour deux ou trois choses, en particulier l'influence qu'il attribuait à l'organisation de l'espace, aux phénomènes de topologie, aux formes topographiques où les lieux par lesquels on passe deviennent les supports d'une narration. C'est sans doute l'ouvrage qui a le plus déployé les effets de la ruse oubliée dans les pratiques quotidiennes et contemporaines, et c'est aussi une approche de l'humanité dans des comportements dont la généralité semble extensible. Ce n'est pas seulement dans tel quartier aujourd'hui qu'il s'agit d'habiter, dans l'action, le moment…

A. V. : …d'habiter éventuellement l'inhabitable.

M. D. : Par une sorte de feinte, de compensation, de mouvement du corps qui déploie un espace improbable… J'imagine que si Michel de Certeau avait pu faire une enquête sur la manière dont on se démerdait dans le système soviétique pour vivre, avec toutes sortes de ficelles, il aurait trouvé là un terrain encore plus extraordinaire que celui qu'il a choisi, et qui est déjà exemplaire, puisque c'est dans une société dite bien organisée qu'il faut y avoir constamment recours.

A. V. : Donc il y aurait de la ruse un aspect tout-terrain, taciturne, minime ?

M. D. : Pour tout dire, une sorte de somnolence, tout en étant très éveillé. Et l'idée qu'on peut toujours d'une certaine façon compter là-dessus. Elle dépend des individus, mais c'est une disponibilité, une réserve. Je pense que l'animal humain doit en avoir un « bon paquet » pour être passé à travers tout. C'est aussi une dimension du philosophe comme personnage.

A. V. : Capacité de renverser et de se renverser. Le petit n'étant jamais après tout que du grand renversé. C'est une pratique populaire, renverser le Haut.

M. D. : Si on prend le monde imaginairement égalitaire que la Grèce proposait, on se dit qu'il n'y a pas de place pour cela, et c'est tout le contraire. Il n'y a pas dans l'espace politique d'affrontement de parole sans ce recours, et lorsqu'on plaide soi-même sa cause, il faut user de toutes les formes possibles de l'écoute, du langage, du droit et du non-droit, pour essayer de l'emporter. La perfidie n'est pas la victoire qui détruirait l'autre, mais un renversement.

A. V. : Je me demandais s'il n'y avait pas un deuxième chemin dans une approche de la ruse par l'intermédiaire de l'histoire, ce serait du côté de l'historial. La ruse aurait été une chance, assez tôt perdue, non pas dans le petit récit et la débrouillardise au jour le jour, mais dans les grands projets faisant intervenir des méthodes et des techniques qui semblent atteindre aujourd'hui leur limite, en tous cas leur point de réversion, dans le négatif et l'inquiétant. La ruse ne serait-elle pas une potentialité historiale en réserve pour relayer la Raison dans son grand trajet triomphal, glisser la possibilité de plus de modestie, d'intelligence plus minime, peut-être plus intelligente ?

M. D. : Mais je pense que ces grands laboratoires qui fabriquent les Nobel et en même temps les meilleurs produits sont très attentifs à tout ce qu'il y a de chaotique et d'improvisé là où tout devrait être géré. Bien sûr les procédures de vérification sont strictes, mais on peut en privilégier certaines, en inventer. Dans le champ scientifique le plus régulé se manifestent l'inventivité du chercheur et l'activité de jeu dans le calcul. J'entendais parler des physiciens entre eux, ils sont toujours à la recherche de ce qui peut défaire les modèles très rigides qu'ils emploient, les redistribuer, les faire couler dans d'autres…

La ruse débaptisée

A. V. : Ici, deux réactions. D'abord j'en viens à me demander si l'idée d'une disparition de la ruse notamment sous l'effet des coups platoniciens, n'est pas un effet d'optique, et si Platon lui-même ne l'a pas ingérée comme Zeus fait de Mètis ; et si la même chose ne s'est pas produite dans le devenir général de l'intelligence occidentale, qui aurait partout conservé la ruse en la débaptisant ?

M. D. : Je le crois aussi, je vois beaucoup plus nettement les choses de cette manière maintenant qu'il y a vingt ans : le Platon de la fin des Ruses de l'intelligence était alors un « méchant » qui tape sur les doigts de la ruse…

A. V. : Du Sophiste, du stratège, du pêcheur à la ligne !

M. D. : Et il était bon alors de battre sa coulpe et de lancer ses filets pour ramener toute une série de figures ou de formes de pensée qui méritaient apparemment une plus grande attention. Mais, en y revenant aujourd'hui, ce serait intéressant de voir combien, dans le système stoïcien, épicurien, et dans tout le discours qui va suivre, il persiste de ruse.

A. V. : À cette exception près quand même, et à ce moment-là ce ne serait plus une illusion d'optique, que l'essentiel, une sensibilité aux dangers représentés d'avance dans la technocratie aurait été progressivement éliminée, que l'homme aurait donc perdu son sens instinctif du danger (propre aux rusés du type chasseur : Agaguk, Derzou Ouzala) et qu'en emballant la machine technologique et de la pensée, on aurait oublié de potentialiser en même temps la nécessaire comparaison de l'avancée avec le but, et la nécessaire rétroaction de cette comparaison.

M. D. : L'avancée technologique va par phases. Nous sommes à la fin d'une phase où existait cette façon d'éclipser l'autre versant, qui en comporte d'ailleurs toute une série d'autres. Mais le changement technologique est aussi de l'invention qui ne trouve pas sa position achevée, et qui constamment se déséquilibre pour mieux trouver la faille, entrer dans un système autre, composer, compenser.

Complicité de la ruse et de la raison

A. V. : Une autre direction m'intéresse, paradoxale, une complicité que la ruse semble entretenir avec la raison, pour ceci que, même quand elle commence à être répudiée au nom d'impératifs éthiques, déjà dans le Philoctète, elle est « ce qui permet de sortir de la pire situation », donc une activité dotée de finalité, d'un Mieux, de cette grande finalité méliorative qui ne va plus cesser d'éblouir l'Occident. Si la raison est elle-même guidée par le principe du Mieux, la distinction entre ruse et raison ne devient-elle pas un artifice de la raison à son propre profit ?

M. D. : Dans la ruse, il y a des formes de rationalité. Calcul et raison ont partie liée. Et le partage qu'un philosophe a pu faire à l'intérieur d'un système n'a pas valeur pour la définition de la ruse en elle-même. L'art de calculer, de se déployer dans les configurations les plus ténues d'un espace, c'est alors non seulement mètis et noûs mais aussi phronêsis, prohairesis, argumentation…

A. V. : Finalement vois-tu la ruse pencher plutôt du côté d'une opération intellectuelle, d'une disposition affective, ou d'un compromis des deux ?

M. D. : On dit bien « avoir l'intelligence d'une situation » ; à la fois la sentir, et en esquisser toute la singularité (pas forcément sur une feuille de papier). Un mixte qui peut mettre tout l'accent sur des formes conceptuelles, formalisées, raisonnées. Les sceptiques par exemple sont très rusés, car ce sont eux qui font les meilleures objections et élaborent les meilleurs pièges à prendre les philosophes. Faire les objections idéales, c'est forcément entrer idéalement dans le champ de la situation. Et c'est au philosophe alors de comprendre et de se ressaisir.

A. V. : Je me demandais, peut-être naïvement, si le caractère global de la ruse et de cette intelligence dont la ruse et la raison ne seraient qu'aspects, n'était pas finalement un modèle général de l'agir. La ruse serait le chaînon longtemps manquant dans le modèle de l'agir en général.

M. D. : L'agir comme comportement général de l'être humain dans son milieu… Ce serait séduisant… presque biologique alors, un fondement fort et élémentaire, vital ou animal. Il est vrai qu'on peut toujours imaginer quelque Élysée lointain pour une population d'êtres inactifs, mais je ne connais pas de société qui se prive totalement de formes d'action.

Procedencia: http://pierre.campion2.free.fr/detienne_villani.htm

Michel Gondry: La ville (Ouis Oui) (1992)

lunes, 8 de febrero de 2010

Dulces recuerdos

"- Les Escoles. Sant Pol de Mar. El pasado 29 de enero, Antoni Tàpies, Carme Ruscalleda y Juan José Lahuerta, entre otros, entregaron una carta al alcalde de Sant Pol, Manuel Mombiela (CiU), en la que exponían su preocupación por el proyecto de convertir el edificio modernista de Les Escoles en biblioteca municipal. Los firmantes denunciaban que con ello se "mutilará uno de los extremos del edificio y se destruirá el patio". El arquitecto Jordi Armengol teme que "la intervención sea tan brillante que acabe ahogando el edificio, que se coma el original, muy humilde". Y explica que han entregado a los responsables de la reforma información histórica para que se realicen modificaciones.
Por su parte, el artista Perejaume, también firmante de la carta, asegura que "es fácil tachar las respuestas ciudadanas de reaccionarias y esteticistas. Lo que pasa es que en los últimos años ha habido intervenciones que han sido un desastre, como la de la cripta de la Colonia Güell, donde lo nuevo ha quitado energía al edificio de Gaudí". Y reclama: "Dejemos tranquilos los edificios".

(José Ángel Montañés: "Tres pueblos en lucha por su patrimonio", El País. Cataluña, lunes, 8 de febrero de 2008, ps. 1,4).

Varios proyectos de restauración arquitectónica en Cataluña han sido objeto de críticas por parte de algunas personas reconocidas.
Entre aquéllos, se halla la conversión de un edificio modernista de Sant Pol de Mar en una biblioteca municipal, obra del equipo AV62Arquitectos, ganadores del concurso promovido por el Ayuntamiento.

No parece que se cuestione la calidad del proyecto. Por el contrario, se teme su excesiva bondad: el edificio modernista es tan modesto que una intervención "tan brillante" podría ensombrecerlo aún más.

La crítica es sugerente. Significa que lo que se hubiera tenido que proyectar es una restauración mediocre, a tono con la grisura del edificio original; una intervención plana, que no alzara la voz, no destacara, que no se atreviera ni siquiera a derribar añadidos de los años cuarenta. Un arquitecto ha pedido que el proyecto de rehabilitación debería "bajar el tono". La intervención moderna debería igualarse con la arquitectura original: por lo bajo, lo más bajo.

Otros críticos denuncian el proyecto de rehabilitación y transformación del edificio modernista, porque en otros casos intervenciones parecidas han sido un fracaso: argumento curioso, sin duda. Aplicado al pie de la letra, impediría que se construyera en Cataluña para siempre (aunque visto el estado de pueblos interiores y marineros tal perspectiva no sería rechazable), dado la existencia de horrores como el plan urbanístico Maciá, en los años treinta, o el Fórum, en 2004.

Puede sorprender que creadores que han basado su obra en el destrozo de muebles (¿dejemos tranquilos los muebles?), el repintado de óleos domingueros o intervenciones en la naturaleza (¿dejemos tranquila...?), pidan que no se toque un pelo de edificios carentes de función. Pero no se trata de comentar la obra de quienes juzgan, sino de valorar lo que su crítica denota.

¿Acaso ésta refleja el miedo que nos atenaza -como parecen sugerir algunas palabras-, ante la crisis económica, la extrema derecha racista va ganando terreno en Cataluña (hasta el punto que partidos de izquierda pactan con ella), el auge de los valores de la sangre y la patria que brotan por doquier, el abismo que parece abrirse?

Los tiempos dan miedo. Así que volvamos, temblorosos, hacia el modernismo decorativo, floral, coral, como un ideal patrio reconfortante, no hagamos nada y, sobre todo, no toquemos nada. En Sitges, donde otro proyecto también es cuestionado, se afirma que puesto que "la localidad vive de la imagen, no vamos a dejar que la toquen (unos cuantos)" (por lo que se ve, los destrozos urbanísticos, consentidos por los poderes públicos, que asolan la costa, no afectan "la imagen"). La "vida" en una estampa delicada, un sueño paseísta y virginal. ¡Ah, la dulce Cataluña pastoril! Y, así, instalados en la nada, confitados en recuerdos pasteles, ya nada nos importará.

domingo, 7 de febrero de 2010

Éric Rohmer: Les rendez-vous de Paris (1994)



Si la película tarda en ponerse en marcha, véase en:

http://v.youku.com/v_show/id_XMTAxNjgxNTEy.html

El óculo y la gruta














(Imágenes del antro de la villa de Tiberio en Sperlonga)



Tiberio (42 aC-37 dC), el segundo emperador romano (sucesor de Augusto), ha "gozado" de una fama temible: Suetonio describe atrocidades que habría cometido, al final de su vida, retirado en el nido de águila de la Villa Jovis en lo alto de un acantilado de la isla de Capri.

Más que su supuesta refinada crueldad (que algunos estudiosos sospechan fuera una invención o una exageración de senadores que vivían en Roma y debían acudir a Capri donde Tiberio, recluido, no siempre les recibía), su desapego al poder imperial y su abandono de Roma en favor de Capri (marcado por la muerte de su hijo, la ambición de sus parientes y úlceras que lo desfiguraban), Tiberio, que gobernó del 14 al 37 dC, debería ser recordado por sus insólitas, pero tan humanas, creencias. No aceptó ser divinizado. Confiaba poco en el género humano, seguía las enseñanzas de los cínicos. Y construyó toda una serie de villas, entre las que destacan varias en la isla de Capri, y en Sperlonga, en la costa de Campania (entre Nápoles y Roma), caracterizadas todas por un curioso espacio: un espacio natural, apenas alterado, una gruta cabe el mar (como la célebre Gruta Azul de Capri) que se configuró como la parte más importante de las villas imperiales en la que Tiberio se recluía (lo que corresponde bien con un seguidor entregado del cinismo).

La gruta (apenas alterada) de la villa de Sperlonga (nombre que deriva del latín sperlunca que significa, precisamente, caverna) constituía el espacio central alrededor del cual se estructuraba el palacio imperial (hoy, en gran parte debajo de las aguas). Constituye uno de los espacios más sorprendentes y mágicos de la arquitectura imperial romana.

Este retiro estaba ornado con varios grupos escultóricos gigantescos, cuyos restos constituyen la joya del museo construido cerca de la villa. Entre éstos, destaca un conjunto de mármol, posiblemente del siglo II aC, traído de Oriente, y tallado, quizá, por los mismos escultores del grupo helenístico del Laocoonte (hoy en el Vaticano): al menos, ambos grupos están firmados por el mismo taller.

Representa a Ulises cegando a Polifemo. Ilustra una conocida escena de la Odisea homérica: Ulises sorprendiendo al gigante Polifemo, hundiendo una afilada y larga tea en su único ojo (si bien, en otras tradiciones, Polifemo tenía tres ojos). Esta escena ya fue reiteradamente representada en la antigüedad desde la época arcáica. Simbolizaba la victoria de los valores de Ulises (el ingenio y la cultura -griega-) sobre la barbarie del gigante que vivía en una cueva y se alimentaba de carne humana cruda.

La cueva era considerada cmo un espacio propio de seres no civilizados. ¿Por qué Tiberio, entonces, organizó sus villas alrededor de una caverna? ¿Quería señalar las diferencias entre arquitectura y naturaleza?

Algunos estudiosos piensan que Tiberio rendía culto a Ulises. Un hecho sorprendente, ya que Ulises era un héroe, no una divinidad. ¿Qué valores, aparte la astucia y el cálculo -tan celebrados en la Grecia arcáica y clásica-, encarnaba este héroe?

El crédito de Polifemo cambió con la cultura helenística. Seguía siendo un monstruo, ciertamente, más un monstruo enamorado. Amaba, desdichadamente, a Galatea. Pero el amor -inicialmente no correspondido- que sentía por la ninfa lo transformó. Polifemo, como un animal herido, hubiera hecho lo que fuera para conquistarla. Matar o matarse. Cambiar radicalmente.

Ulises, precisamente, lo hirió gravemente. Le cegó el único ojo que tenía. Desde entonces, Polifemo andaba, errante, ciego ante el mundo. O, mejor dicho, ya no podía desplazarse. Tenía que quedar quieto, incapaz de orientarse. Su tercer ojo, el ojo del ama, se abrió. Puesto que ya nada podía ver del mundo que le rodeaba, empezó a contemplar realidades ultraterrenanas que no se alcanzan con los sentidos.

Tal don Polifemo lo alcanzó gracias a la acción de Ulises. Éste, por tanto, lo liberó. Le permitío escapar a su condición, salvaje y mortal, y a la vida activa, para adentrarse en la vida contemplativa. Polifemo, gracias a Galatea y sobre todo a Ulises, abandonó su condición monstruosa. Ulises le hizo ver realidades que no habría nunca intuido si no hubiera querdado ciego. La oscuridad de la cueva simbolizada su ceguera. Y la boca, o el óculo, de la caverna, abierta al cielo y al mar, dando la espalda a la tierra, a las realidades mundanas, evocaba el mundo que Polifemo descubría de pronto gracias a su ceguera para con lo que le rodeaba.

Del mismo modo que la noche en la que Polifemo vivía, a fin de alcanzar la luz, gracias a Ulises, el anciano Tiberio, desengañado, sentía veneración por este héroe, y por las grutas, en las que se aislaba de la estupidez y las pasiones humanas. Soñaba, en lo hondo del antro, donde nada veía, salvo los relucientes grupos escultóricos que mostraban la transformación del monstruo, con que Ulises le liberaría un día de las pasiones terrenales.

Los palacios imperiales, entonces, eran, para Tiberio, refugios. Espacios en los que se encerraba para defenderse de sus temores y de sus enemigos (reales o imaginarios). Pero, sobre todo, para aislarse del mundo visible a fin de intentar, vanamente, alcanzar a ver este mundo que solo les es dado a los dioses contemplar, pero que el arte, en ocasiones revela, como las blancas estatuas que iluminaban la cueva, la húmeda cueva de Sperlonga -y todas las cuevas de Capri, ornadas de modo semejante-, quizá los espacios "arquitectónicos " -es decir en los que uno se encuentra en paz consigo mismo- más hermosos e intensos de la antigüedad.

(Para una lectura astral -una carta astral- de la disposición de las estatuas en el antro de Sperlonga, véase:
SAURON, Gilles: "Chez Tibère: la mise en scène astrologique du destin de l´empereur", Dans l´intimité des maîtres du monde. Les décors privés des romains, Picard, París, 2009, ps. 155-196).






sábado, 6 de febrero de 2010

La patrona de los arquitectos (o cuando los arquitectos eran unos sabios)

Jan van Eyck: Santa Bárbara (1437)



Zonder Gods zegen wordt er niet geboord


NRC Handelsblad, 04/02/2010



Zonder zegen van boven gaan de tunnelbouwers en de boormachines van de Amsterdamse Noord/Zuidlijn niet aan de slag. Joop Stam, pastoor van de rooms-katholieke Nicolaaskerk aan de Prins Hendrikkade, daalt op 11 maart in vol ornaat en met wijwaterkwast af in de bouwput voor zijn deur om Gods zegen af te roepen. Wordt de kans dat er iets misgaat nu kleiner? Stam: ''Het is geen magie. Er kan altijd iets gebeuren. We bidden om onze talenten te laten zegenen. Het wil niet zeggen dat we ons verstand uitschakelen en God het werk laten doen. We vragen God bijstand opdat het werk op verantwoordelijke wijze wordt uitgevoerd.'' Niet alleen worden de boormachines en bouwvakkers besprenkeld met gewijd water, ook wordt een beeld onthuld van Sint Barbara, de schutspatrones van mijnwerkers en tunnelbouwers. Barbara staat in een kastje op een bedje van kunstbloemen. Bij de ceremonie wordt Glück auf gezongen, een mijnwerkerslied, tevens wens om weer heelhuids boven te komen. Nog een traditie: de Duitse boormachine krijgt een naam, een vrouwennaam. De inzegening en plaatsing van het beeldje zijn traditie, zegt de Duitser Frank Otten, projectleider van aannemer Saturn. ''Onze medewerkers, vooral Duitsers, werken voor geld, ze gaan heus wel aan de slag, maar ze vragen hier wel om. Ze zeggen dat ze dan meer geluk hebben. Als vroeger in de mijnen doden vielen en er was geen beeldje van St. Barbara, kwam dat daardoor.''

(Rob Rombouts)



La liberal Amsterdam invoca a santa Bárbara


La Vanguardia, 06/02/2010


Joop Stam, párroco de la iglesia católica de San Nicolás de Amsterdam, bendecirá una taladradora de 100 metros de largo por 7 de diámetro que va a perforar un túnel del proyecto del metro línea Norte-Sur. La iniciativa ha partido de la empresa Saturn, encargada de las obras. Según un portavoz declaró en el diario NRC Handelsblad,se trata de una tradición de las minas al comienzo de la construcción de túneles. El párroco celebrará la ceremonia en el lugar de la obra, con los ornamentos litúrgicos para la ocasión e invocando a santa Bárbara, mártir del siglo III, a la que todavía se recurre en casos de fuego o tormenta. Amsterdam, famosa por su permisividad, fue antes de la reforma protestante centro de peregrinación eucarística a causa de un milagro ocurrido en 1345, hecho que todavía se conmemora con dos procesiones...
(C. Montón)



La noticia, tan reciente, sorprende.
Hacía años -o siglos- que los constructores no habían invocado a la que fue, junto con Santo Tomás (cuyo culto se ha mantenido hasta casi nuestros días), la gran protectora de las obras de arquitectura e ingeniería medievales (adquirió importancia en la Baja Edad Media y en el Renacimiento), ni se había practicado un rito fundacional bajo su advocación.

A Santa Bárbara se la recuerda hoy solo por ser protectora contra el rayo y los explosivos. Artilleros y artificieron la adoraban. Sin embargo, también fue la principal protectora de los constructores. O, mejor dicho, de los arquitectos.

Santa Bárbara no existió. Su mismo nombre, Bárbara, en el que la sílaba "ba" redobla, indica que era una persona que tartamudeaba: hablaba mal, es decir, no sabía hablar griego. No pertenecía a la ciudad griega, sino que era una extranjera, una oriental, una "bárbara", lo que la señalaba como una figura marginal, excéntrica, capaz, entonces, de emprender acciones singulares.

Cuenta La leyenda dorada medieval que Bárbara nació en la ciudad helenística de Nicodemia, cerca del mar de Mármara (hoy en Turquía). Su padre, Dióscoro, temiendo que los hombres perdieran a su hija, excesivamente hermosa, la encerró en una torre -una leyenda que recuerda el mito de Dánae, enmurallada en un torreón por su padre Acrisio a fin de que no concibiera hijo alguno que pudiera apoderarse del trono de su abuelo- y se ausentó.

Bárbara, entonces, mandó a unos albañiles que pasaban cerca de la construcción que abrieran tres ventanas (o una tercera y decisiva ventana) en lo alto a fin de que la luz trinitaria penetrara en la cárcel. Ésta se convirtió en un hogar bañado por una luz sobrenatural.

La torre fue adoptada como un símbolo de la arquitectura entendida como unión del cielo y de la tierra, como una morada iluminada, en la que la noche -con su séquito fantasmagórico- no tenía cabida: una casa en la que la luz estaba siempre encendida; un faro, un hito que inspiraba confianza y ordenaba el espacio: un eje que ordenaba el espacio: una torre, antes que un espacio delimitado, encierra la condición misma de la composición espacial, sin lacual la arquitectura no existe: el eje vertical gracias al cual y desde el cual el espacio se habilita, impidiendo que los humanos se extrañen y se pierdan.


Bárbara fue una arquitecta, no porque edificara, sino porque mandó a los operarios (fue "un" maestro de obras), y logró convertir un lugar de encierro en un espacio protector, un verdadero hogar en el que la luz, fuente de vida, se asentaba; luz que no brotaba del suelo sino que descendía, luz intelectiva, entonces; Bárbara fue una ideadora. Alumbró una gran obra. Y su obra, la obra de su vida, no fue una construcción, sino un verdadero "disegno mental" gracias al cual desmaterializó o transfiguró un espacio angosto, invivible (no bendecido por idea alguna), ceñido por gruesos muros.
En la célebre tabla de van Eyck, Santa Bárbara es retratada como la responsable intelectual de la catedral que está edificando, símbolo del mundo edificado. Sentada, majestuosamente, como una madre de dios, parece que la torre de la catedral brote de la santa, como si ésta fuera, no solo la fundadora, sino la misma piedra angular de su obra. Creador y creación se identifican. La arquitectura moderna halla su origen en este cuadro.

Cuando su padre descubrió lo que había logrado, mandó que la torturaran. Luego, la decapitó. Un rayo lo fulminó.

Más allá











(Para don Gregorio Luri -blog El café de Ocata-, a la vuelta de los infiernos.)
Y enmudecimos.
Ante nosotros, el joven saltaba al vacío. Desde lo alto de una alta columna, bajo un cielo innundado de luz, un muchacho atlético y desnudo se precipitaba, sin manifestar temor o duda algunos, con exultante convicción, al océano, liso y festoneado como un espejo. Abría bien los ojos. Su cuerpo espigado dibujaba una certera flecha. Dos árboles estilizados, en la costa y en una isla, parecían saludarle -o despedirle.
Mientras, unos jóvenes, semi-vestidos con túnicas, y coronados con hojas de laurel, entregados a los placeres de la música, el vino que unos sirvientes les escanciaban, la plática y el encuentro amoroso (en Grecia, solo los hombres asistían a simposios), banqueteaban, recostados sobre unos altos lechos dispuestos en ángulo contra los muros de una estancia.
Estas dos míticas escenas -el banquete y el salto- ilustraban, respectivamente, las paredes interiores y la losa superior de un sarcófago de piedra, enterrado en Posidonia (hoy Paestum, en Italia), en el siglo V aC, cuando la ciudad era una colonia griega (fundada por Jasón y los Argonautas, durante su periplo por los confines del mundo a la búsqueda del vellocino de oro, una mítica piel aúrea de becerro con la que se podía volar hacia el más allá, y dedicada al dios de los océanos: Poseidón). Excavado hace unos cuarenta años, es la obra maestra de la pintura griega.
Pese a la inexistencia de textos, las pinturas, sin duda, deben ser interpretadas conjuntamente. Las obras son religiosas (pertenecen a un contexto funerario, si bien, las efigies de los que comen y beben como del que abandona confiadamente el mundo no denotan tristeza alguna) e ilustran, posiblemente, sobre la concepción del más allá, o del viaje al más allá, y de su finalidad, en la Magna Grecia (la península itálica conquistada por colonos griegos entre los siglos VIII y IV aC). Una concepción que marca una ruptura radical con la visión penumbrosa que Grecia -o la Grecia continental- tenía del inframundo.
Las columnas desde las que el joven había saltado eran las columnas de Hércules: dos fustes, hincados en los confines del mundo (el estrecho de Gibraltar) por Heracles cuando recorrió todo el Mediterráneo luchando contra doce monstruos que asolaban los campos y ponían en peligro la vida en comunidad. Simbolizaban los límites del mundo conocido, visible; más allá, el vacío, al que accedía a través del oscuro océano que los griegos solían equiparar con el reino de los muertos (los pobladores del ponto -los peces-, en efecto, son escurridizos, y no emiten sonido alguno, como si de espectros se trataran).
Los griegos temían a la muerte, incluso a la muerte heróica en combate. Temían sobre todo a los muertos. El inframundo era concebido como un espacio poblado de sombras sedientas acechadas por monstruos.
Sin embargo, el joven intrépido no resiste a la atracción del abismo. Se lanza de cabeza, como si el viaje fuera a proporcionarle placer, un placer al menos tan intenso como el que sienten los jóvenes que festejan a su alrededor.
El cielo que cubre el océano es intensamente luminoso; las mismas aguas no son negras ni vinosas, como solían ser descritas por Homero, sino que tienen el color de un día brillante.
El joven abandona el mundo en pos de la luz. Al menos, el inframundo parece estar ornado por los mismos elementos que pueblan la tierra -árboles delicados-, una tierra firme y amada a la que los griegos se aferraban. El más allá se asemeja a una tierra prometida, fuente de placeres, o de conocimientos.
El banquete en el que participan jóvenes no muy distintos al que salta -más fuertes, más apegados a los laureles, sin embargo- es representado como un espacio gozoso. La música, el vino y el erotismo, en los que los jóvenes están inmersos durante el acto festivo, les distraen profundamente. Les saca de sí mismos. Se desan, se miran, se extravían. Entran en trance, se extasían. Y, de este modo, se olvidan de sí mismos (de su mortal condición), y de lo que les rodea. Se diría que hubieran alcanzado un nivel distinto -o superior- al que estaban habituados, un estrato sobrenatural. La fiesta en la que participan les saca de su vida, de su condición habitual, poniéndoles, por unas horas, en contacto con otro mundo, exponiéndoles a éste.
El banquete se desarrolla en las paredes interiores del sarcófago; acontece en un primer estrato, justo por encima de la base -la tierra- donde yace el difunto. Por encima, sobre el cielo de la tumba, salta el joven hacia lo desconocido.
El banquete y la despedida del mundo parecen dos actos sucesivos en pos del más allá, de una vida más allá de la vida ciotidiana, y mortal. El vino, la música (de Apolo o de Dionisos), el erotismo (la "pequeña muerte") favorecen el abandono, o la salida, del cuerpo, la pérdida de sí, que la muerte acelera y concluye.
Todos -los que se hallan en un banquete, y el que se despide de la vida-, aspiran a algo que la vida diaria, en condiciones normales, no proporciona: un conocimiento, una iluminación, que la blancura que inunda el cielo, proporciona o simboliza. Aspiran a desprenderse del cuerpo opaco -símbolo de la muerte- hacia la luz -que la muerte facilita.
Todos saltan. Y festejan, entusiasmados, el abandona de la cárcel del cuerpo, a través, precisamente, del olvido del cuerpo terrenal que el intenso placer que los sentidos exacerbados proporciona.
La muerte, entonces, es el pago por alcanzar para siempre la vida verdadera, que no se vive en la tierra, vida que, a través de los placeres, se descubre o se intuye por unas horas. El diálogo, el contacto con el otro, la música y el vino acercan al cielo, a la luz, a la que el éxtasis final, que la muerte aporta, transporta sin dilación.
Morir, parece decirnos el joven saltador, es el último paso para alcanzar la vida, la vida para siempre.
Toda la mística órfica o pitagórica, platónica o ya neoplatónica, y cristiana se halla anunciada -y sintetizada- en el nervioso rasguño que la tensa zambullida del joven abre en el sereno cielo de Posidonia.
El "saltador de Paestum" abre una vía revolucionaria en la concepción del "efímero" -el ser humano, en griego-, que preludia nuevos tiempos (y el fin de la cultura antigua centrada en el disfrute mesurado de la vida terrenal, sin ansias de inmortalidad).