domingo, 25 de abril de 2010

La puerta del Paraíso. Marina Abramovic: Imponderabilia (1970; 2010)








Si ser un artista moderno es un problema, no digamos ser un espectador de arte moderno.

La instalación de la artista serbia Marina Abramovic, Imponderabilia, creada en 1970, y recreada hoy en la antología organizada en el Museo de Arte Moderno de Nueva York (MoMA), consiste en (o se compone de) dos personas desnudas situadas frente a frente en el quicio de una puerta estrecha por la que el público visitante tiene que pasar.

Tocar las obras de arte es un delito y una falta estética: el arte esá hecho para ser contemplado desinteresadamente y desde cierta distancia, con la debida perspectiva (espacial, cultural). Pero si no se toca, no se puede apreciar esta instalación que consiste en pasar a través de ésta -lo que lleva a cruzar el espejo para no ver nada, ya que la obra se halla detrás, allí dónde se ha pasado; obra que tampoco se puede ver,, pues nadie se ve a sí mismo actuando (cruzando por un acceso de imposible acceso).

¿Obra que exige la participación del público? No exactamente: la obra es el público cruzándola. El visitante ¿la completa, o la interpreta? Posiblemente; la dota de sentido. Pero no puede verla mientras la cruza, es decir, la crea. Son los demás quienes la perciben (perciben al resto de los espectadores pasando por el tubo). Mas, en este caso, no interpretan o crean la obra mientras la miran, ya que solo quienes actúan, y mientras actúan (tratando de no rozar los cuerpos, como si de un acto desinteresado se tratara), la crean (le otorgan el sentido previsto -pero no ejecutado- por Abramovic).

Una obra que, además, se tiene que descubrir andando: una obra que es un paso, por el que no pasan, vergonzadamente Adán y Eva, tras ser expulsados del Paraíso, sino que lo guardan, como los ángeles que blanden una espada de fuego. Son los espectadores, entonces, los que asumen los papeles de Adán y Eva.

¿Quiénes son, en verdad, Adán y Eva?; ¿los personajes de la instalación de Abramovic: los actores (que representan a los personajes), o los espectadores (que se comportan como éstos)? ¿A qué da acceso el paso?

Aunque aquéllos son los intérpretes de la obra, lo obra o parte de la obra, ¿pueden ser, inevitablemente, tocados sin que se toque la obra (obra que es espectador-tocando-los-intérpretes-o-figurantes-de-la-obra? Pero, aquéllos han sido escogidos por la artista. Responden, por tanto, a su idea, o a su visión de la obra; la plasman físicamente; le dan, literalmente, cuerpo.

Mientras, los jueces aguardan las denuncias (que, quizá, también constituyan una parte -la conclusión- de esta "performance" -en la que quienes actúan o forman no son los actores sino los espectadores).

Un mundo al revés. Ya estamos detrás del espejo:

Prière de ne pas caresser les oeuvres d'art !

L'avertissement "Il est interdit de toucher aux oeuvres d'art" a pris tout son sens au Musée d'art moderne de New York (MoMA) avec la rétrospective "Marina Abramovic : The Artist Is Present". Depuis le 14 mars et jusqu'au 31 mai, l'artiste serbe, 63 ans, fait acte de présence aux côtés d'une quarantaine de performers qui se succèdent pour revisiter les quatre décennies de sa carrière, dont la nudité, souvent mise en scène avec rudesse, est l'un des grands thèmes de création.Pour maîtriser ces conditions particulières d'exposition, les performers se sont retrouvés pendant cinq jours dans la retraite de Marina Abramovic dans l'Hudson Valley, sans pouvoir lire ni parler, et en pratiquant le jeûne. Au programme : bains glacés, mouvements lents et comptage de grains de riz... Manière d'optimiser, de la façon la plus douce, leurs rotations pendant l'exposition, a expliqué Erika Papernik, du MoMA.Pour le public, Imponderabilia est, de loin, l'oeuvre la plus déconcertante. Cette performance des années 1970 est rejouée par un jeune couple en tenue d'Adam et Eve qui, dans un étroit et immobile vis-à-vis, bloque l'un des accès des visiteurs à une des salles. Pour franchir ce passage ténu, il faut frôler ces corps et leurs sexes aussi vrais que nature. Ce que firent de nombreux visiteurs, femmes et hommes, dont l'un d'eux a, au passage, sciemment caressé l'un des protagonistes."Ça te fait plaisir, mon gars !""Il a doucement glissé sa main le long de mes côtes, de mon dos, puis m'a touché les fesses, a déclaré, dans le New York Times du 17 avril, Will Rawls, un jeune danseur recruté pour l'occasion. Alors qu'il passait, il m'a fixé du regard et m'a dit : "Ça te fait plaisir, mon gars !""La sanction n'a pas tardé. L'homme, adhérent du MoMA depuis trente ans, a été aussitôt révoqué et interdit de musée par les responsables de l'établissement, qui n'ont pas souhaité commenter l'affaire ni communiquer l'identité du fautif. Tout en prenant "conscience du défi que représente la présence de performers nus dans les salles d'exposition", ils ont tenu à rappeler que "tout visiteur touchant ou dérangeant" les artistes sera aussitôt expulsé. A ce jour, malgré d'autres atteintes explicites, selon d'autres témoignages d'acteurs de l'exposition et de gardiens, aucune plainte n'a été déposée.L'affaire a fait grand bruit et nourrit, non sans faire sourire, la chronique artistique de la Grosse Pomme. Certains, tel l'artiste new-yorkais Fred Holland, n'y voient qu'une opération de publicité. Elle suscite aussi d'abondants commentaires sur les forums du Web. "Total non-sens, ironise Vitonmarypat derrière son pseudo sur Silive. com : Vous ne pouvez pas ouvrir une boîte de pizza chaude en plein milieu d'une cohue sans vous attendre à ce que quelqu'un n'en chipe une portion. Allez, les gars !"

Jean-Jacques Larrochelle (à New York).

Article paru dans l'édition du 25.04.10 du journal Le Monde (Paris, Francia)

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